les palais sont en ruines - están en ruinas los palacios
et les peintures s'écaillent,
mais les rêves demeurent...
Et si dans les décombres il y avait quelque étoffe enroulée ?
quelque trace des saisons d'un hier pas encore effacé, de feuilles, d'humus, de tanins
des écritures qui à nous seuls se révéleraient, ces hêtres, ces sorbiers qui telles les fougères du carbonifère disent à notre aujourd'hui les luxuriances d'hier ?
A ces lambeaux enfouis sous les décombres, à ces suaires depuis longtemps je songe, et me voilà à assembler l'étoffe des rêves d'enfance, quand en cachette douze princesses s'en allaient danser sous terre, sous leur chambre bien close et usaient leurs souliers.
Chaque point est la voyelle d'un alphabet intime, le souffle qui manquait aux consonnes brutales. Voyelles-souffles, si souvent invisibles mais qu'il nous faut entendre.
On me disait naïve, non, juste à naviguer sur une coquille de noix, sans rames et sans armure... parce que la nave va.
Chaque point pour conjurer les coups de griffe du réel.
Oui les coupoles s'effondrent et l'enfance est en ruines, mais là, dessous les pierres, c'est l'esprit qui demeure.
(Eh bien non, je ne crochète pas parce que justement l'esprit n'y est plus. Je tricote, comme beaucoup, mais à quoi bon montrer un mille et unième snood, une centième paire de mitaines, un énième pull tricoté de haut en bas, de bas en haut, en rond, en carré, à l'endroit, à l'envers, avec le fil dans la main gauche, dans la main droite, avec des trucs et des machins qu'on coupe sous vos yeux et qui ne s'effilochent pas ? Non ! Je prépare des mixtures de plantes, je teins, des fils de soie, des écheveaux de laine, j'imprime des étoffes, je brode "à la gitane", à la "va-comme-j'te-pousse" en oubliant tout ce qui à coups de règle était entré : "Daumal, vous referez votre point d'épine, plus régulier je vous prie", "oui ma sœur" ou "oui ma mère" fallait-il dire. Maintenant je suis libre !)